Recul de l’illettrisme

L’illettrisme, défini comme la difficulté ou l’incapacité à lire et à écrire chez des personnes qui ont pourtant été scolarisées, constitue un enjeu majeur pour les sociétés modernes. Longtemps perçu comme un fléau social et éducatif, ce problème a fait l’objet d’efforts considérables au cours des cinquante dernières années. Ces efforts, soutenus par des politiques publiques, des initiatives associatives et une prise de conscience collective, ont permis de réaliser des progrès significatifs. Cet article propose de retracer l’évolution de l’illettrisme depuis les années 1970, en mettant en évidence les avancées chiffrées et les principaux leviers d’amélioration.

Une réduction significative des taux d’illettrisme

Dans les années 1970, l’illettrisme était une réalité préoccupante dans de nombreux pays. En France, par exemple, on estimait que près de 20 % des adultes étaient touchés par des difficultés graves en lecture et en écriture. Selon l’UNESCO, à l’échelle mondiale, plus de 40 % des adultes étaient analphabètes ou illettrés dans les années 1970. Ces statistiques traduisaient une exclusion sociale importante, limitant l’accès des individus à l’emploi, à l’information et à la culture.

En 2020, les chiffres montrent une évolution remarquablement positive. En France, le taux d’illettrisme chez les adultes est tombé à environ 7 %, selon une étude de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI). Au niveau mondial, les données de l’UNESCO indiquent que la proportion d’adultes analphabètes a chuté à environ 14 %, révélant des progrès substantiels dans l’accès à l’éducation.

Ces progrès sont attribuables à plusieurs facteurs clés, notamment l’élargissement de l’accès à l’éducation de base, la mise en place de programmes spécifiques de lutte contre l’illettrisme, et une sensibilisation accrue des sociétés aux conséquences de ce problème.

Les moteurs du progrès

1. L’élargissement de l’éducation de base

L’une des principales avancées des cinquante dernières années a été l’accès quasi universel à l’éducation primaire dans de nombreux pays. Selon l’UNESCO, le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire était de 83 % dans les années 1970, contre 91 % en 2020. Cette augmentation s’est accompagnée d’améliorations dans la qualité de l’enseignement et de l’intégration de la littératie comme objectif prioritaire dans les programmes scolaires.

Les pays en développement ont bénéficié d’initiatives internationales comme le Programme mondial pour l’éducation, qui a permis de financer des écoles, de former des enseignants et de distribuer des manuels scolaires. En Afrique subsaharienne, par exemple, le taux de littératie des adultes est passé de 28 % dans les années 1970 à 65 % en 2020.

2. Les politiques publiques et les initiatives associatives

Les politiques nationales ont été cruciales dans la lutte contre l’illettrisme. En France, la création de l’ANLCI en 2000 a marqué un tournant en coordonnant les efforts des collectivités locales, des entreprises et des associations. Des campagnes comme « Ensemble contre l’illettrisme » ont permis de sensibiliser le public et de mobiliser des ressources pour les programmes de formation.

Dans d’autres pays, des initiatives innovantes ont été mises en place. Au Bangladesh, le programme « Shikhbe Protibha » a utilisé des technologies mobiles pour enseigner la lecture et l’écriture à des adultes, atteignant plus de 2 millions de personnes en une décennie. Ces efforts montrent que les approches ciblées et adaptées aux besoins locaux peuvent avoir un impact significatif.

3. La prise en compte des populations vulnérables

Les progrès réalisés ont également été favorisés par une attention accrue portée aux groupes les plus vulnérables, notamment les femmes, les populations rurales et les migrants. Dans les années 1970, les femmes représentaient près de 65 % des personnes illettrées dans le monde. En 2020, ce pourcentage est tombé à 58 %, grâce à des programmes visant à améliorer l’accès des filles à l’éducation.

En France, des efforts ont été faits pour accompagner les migrants dans l’apprentissage de la langue et de la littératie, notamment par le biais de cours gratuits et de dispositifs comme le contrat d’intégration républicaine.

Les défis persistants

Malgré ces progrès, l’illettrisme reste une réalité pour des millions de personnes. En France, environ 2,5 millions d’adultes rencontrent encore des difficultés graves en lecture et en écriture. Ces personnes sont souvent confrontées à une exclusion sociale accrue, en raison de la numérisation croissante des services et des exigences du marché du travail.

Au niveau mondial, les disparités géographiques et socio-économiques restent importantes. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud concentrent encore près de 75 % des adultes illettrés, malgré les progrès réalisés. Les conflits armés, les crises économiques et les pandémies comme la COVID-19 ont également freiné les avancées récentes.

Les perspectives d’avenir

Pour poursuivre la lutte contre l’illettrisme, plusieurs pistes doivent être explorées :

  1. Renforcer l’accès à l’éducation de base : Garantir une éducation primaire et secondaire de qualité pour tous, en mettant l’accent sur les populations marginalisées.
  2. Adopter des technologies innovantes : Les outils numériques, comme les applications mobiles et les plateformes en ligne, peuvent compléter l’enseignement traditionnel et toucher des populations isolées.
  3. Soutenir les adultes en difficulté : Mettre en place des programmes de formation continue et d’alphabétisation pour les adultes, en tenant compte de leurs contraintes et besoins spécifiques.
  4. Renforcer la coopération internationale : Les efforts mondiaux doivent être coordonnés pour partager les bonnes pratiques et mobiliser des ressources financières.

Conclusion

La réduction de l’illettrisme au cours des cinquante dernières années représente une victoire importante pour les sociétés modernes. Les progrès réalisés, soutenus par des politiques publiques ambitieuses et des initiatives communautaires, montrent que ce problème peut être surmonté. Toutefois, pour parvenir à une éradication complète de l’illettrisme, il est essentiel de continuer à investir dans l’éducation, de s’adapter aux nouveaux défis et de ne laisser personne de côté. L’objectif d’un monde où chaque individu maîtrise les compétences de base en lecture et écriture reste à portée de main, à condition de maintenir les efforts collectifs.