Les mythes et les croyances.
Benoît traite le sujet mieux que moi dans son dernier livre Mythes et Légendes écologistes. Les hommes sont attirés par les mythes, l’irrationnel, les croyances divines, souvent sans en avoir conscience et pour des raisons qui les dépassent. Notre propension naturelle à entretenir ces mythes contribue à faire accepter les messages anxiogènes pourtant infondés du stop-isme, à ne pas en vérifier la pertinence ni les remettre en question. En réalité on veut absolument y croire. L’effet Gold rajoute une couche contribuant à la diffusion et à la perpétuation de ces mythes. Sans être exhaustif, on peut noter les mythes suivants qui alimentent le stop-isme :
La fin du monde est un mythe vieux comme le monde (qui au passage n’en finit pas d’être là !). Des dizaines de prédictions de fin du monde depuis 2000ans sont listées là et d’autres plus contemporaines sont là. J’aime bien celle là de 1996 « Passage dans la quatrième dimension, dû à l’inversion du courant de l’énergie, de Énergie humaine universelle (HUE) et Spiritual human yoga (SHY) ».
Benoît évoque dans son livre les fins du monde successives autour du climat. C’est toujours pour dans 15 ans. Bon maintenant (moins risqué), c’est plutôt « si on ne fait rien avant 15 ans, c’est pour dans 100 ans ». Et ça marche, les gens y croient !
En conséquence le stop-isme dit : Arrêtons tout sinon on va tous mourir !
Le bon vieux temps est un mythe lui aussi vieux comme le monde. On retrouve ici un poème du XVIe qui l’évoque. On a retrouvé des textes de la Grèce ancienne parlant déjà du bon vieux temps. C’est un mythe très certainement lié à la jeunesse perdue de celui qui en parle. C’est sûr qu’à 60ans on a forcément tendance à regretter le monde dont on se souvient quand on en avait 20. Je pense que ça ne va pas plus loin.
Nos parents disaient que la télévision avait tué les conversations de la place du village. Nous disons aujourd’hui à nos jeunes que le portable est une catastrophe sociale.
« Je vous parle d’un temps que les moins de 20ans ne peuvent pas connaitre … ». L’accélération des progrès techniques donne le vertige.
Les stations essence sans pompiste, les caisses sans caissière, les voitures autonomes, ChatGTP qui vous rédige tout, les présentatrices météo virtuelles. Ah il est où le bon vieux temps où on pouvait échanger quelques mots avec le gars qui vous faisait le plein. Je ne porte pas de jugement, je dis juste que les bouleversements liés aux progrès techniques perturbent nombre de nos concitoyens, et contribuent au rejet de la modernité.
En conséquence le stop-isme dit : Arrêtons tout car c’était mieux avant !
L’autonomie est un fantasme a priori plus récent que j’observe sur mes amis écolos. Pour éviter de dépendre de la société, on essaie d’être autonome en tout. Et on rejette la spécialisation, propre à l’organisation humaine. Pourtant la spécialisation date aussi de la nuit des temps.
On a retrouvé des sites de fabrication de pierres taillées, véritables petites usines, où les spécialistes de l’époque excellaient sans doute dans leur discipline. Les uns fabriquaient les arcs mieux que quiconque, échangés contre un gibier ou une paire de mocassin en cuir, ou une pierre taillée justement, les autres confectionnaient des habits en peau, etc.
La spécialisation est sans doute ce qui a différencié Sapiens de Néandertal comme le décrit superbement Ludovic Slimak dans son livre Neandertal nu et sans doute aussi ce qui a provoqué l’éviction d’Europe de Néandertal par Sapiens par l’efficacité de groupe qui découle de cette spécialisation. Je conseille au passage ce livre à tous les climato-réalistes car il évoque le chaos du climat sur les 300 000 dernières années, et il complémente à merveille le livre sapiens et le climat de Postel-Vinay. (Malheureusement une demi-page de ce livre fait référence au dogme que nous combattons, allégeance au GIEC oblige, mais peu importe, il faut le lire). Ce mythe de l’autonomie est aussi un rejet de la modernité dont on veut moins dépendre. Les légumes augmentent et sont produits industriellement avec du chimique ? OK, on fait son potager. La voiture devient un budget inabordable, et pollue la planète ? OK, plus de voiture, on fait du vélo en ville et on prend le train pour aller plus loin. L’énergie augmente ? OK, on met des panneaux solaires, etc. C’est une tendance forte du stop-isme : Viser de dépendre le moins possible de la société.
En conséquence le stop-isme dit : Arrêtons d’échanger, et vivons plus sobrement !
La culpabilité humaine est aussi un mythe vieux comme le monde. Chacun connait la chute d’Adam et Ève dans le christianisme. Les êtres humains seraient ainsi nés avec une nature pécheresse, héritant de la culpabilité de leurs ancêtres. Je ne sais pas pourquoi nous avons ça si profondément ancré en nous, mais c’est comme ça.
La propension à culpabiliser pousse les adeptes du stop-isme à l’éco-anxiété. C’est une catastrophe pour la jeunesse. Avant de faire un enfant, on réfléchit au bilan carbone de l’opération. Et beaucoup renoncent.
Le stop-isme joue avec la culpabilité humaine, et engendre la désespérance de la jeunesse. C’est, je crois, ce qui m’effraie le plus. La culpabilité humaine peut aussi découler de la puissance acquise par Sapiens, et d’une forme de remord qui va avec. La mégafaune australienne a disparue il y a 70 000 ans, au moment où Sapiens investi l’Australie. Idem aux Amériques. En Polynésie de nombreuses espèces endémiques ont disparu aussi avec l’arrivée de Sapiens. Néandertal a disparu d’Europe il y a 42 000 ans aussi à l’arrivée de Sapiens… C’est comme ça. Sapiens est un redoutable prédateur sans doute grâce à la pensée symbolique ( « qui nous permet de parler de ce qui s’est produit dans le passé et d’imaginer ce qui pourra se dérouler dans le futur » ) et au langage articulé qui lui ont permis de confectionner des armes redoutables, et de bâtir à l’avance des stratégies guerrières et de chasse ce qu’aucun autre animal ne sait faire. Cette puissance est peut-être en partie à l’origine de sa culpabilité. J’ai vaincu ? OK, mais c’était si facile. La pensée symbolique lui a permis aussi de modifier son environnement, principalement avec l’agriculture qui a entrainé il y a plusieurs milliers d’années en Europe, et entraine toujours ailleurs, la transformation de forêts primaires en vastes champs mono-culturaux, réduisant l’habitat animal. La culpabilité écologiste, considérant la Nature, non comme le milieu hostile qu’elle est pourtant, mais comme un être fragile et innocent, pose la question « de quel droit ? ».
Le film Avatar a pour thème cette culpabilité écologiste: Une gentille nature mirifique à la sauce Bisounours où tout n’est qu’harmonie, se fait vilainement attaquée par les méchants hommes tout puissants, qui la blesse sans scrupule, pour des intérêts bassement matériels de minerais à extraire.Nature luxuriante du film Avatar
En conséquence le stop-isme dit : Arrêtons avec notre puissance dévastatrice !
La théorie Gaïa contribue à faire passer « la planète » pour une divinité, une gentille maman universelle, un être vivant fragile qu’on doit protéger contre les agressions perpétuelles des hommes, décidément très vilains avec leur développement maléfique. Elle renvoie aux hypothèses suivantes tirées de wiki:
- les êtres vivants ont une influence sur la totalité de la planète sur laquelle ils se trouvent ;
- l’écosphère a développé une autorégulation (point non contesté même hors hypothèse Gaïa) ; l’existence de chaque être vivant est alors supposée régulée au profit de l’ensemble de l’écosphère (hypothèse proprement Gaïa) ;
- le système autorégulé constitué par la totalité des êtres vivants (biomasse) et des constituants non vivants composant la masse totale de la Terre, et sans doute aussi le rayonnement solaire extérieur, possède des mécanismes internes pouvant le faire considérer comme un être vivant, conformément au paradigme cybernétique. Celui-ci est nommé par convention Gaïa par allusion à la déesse mère grecque.
En conséquence le stop-isme dit : Arrêtons tout, respectons les équilibres de Gaïa !
Cette liste de mythes, croyances, schémas de pensée autour du stop-isme, n’est pas exhaustive, n’hésitez pas à en évoquer d’autres. Tout cela s’auto-entretient, et se perpétue de générations en générations. Je le vois sur mes amis écolos qui éduquent leurs enfants en les imprégnant dès le plus jeune age avec ces mythes. Attention mon enfant, le petit Jésus ne sera pas content si… , heu pardon, Gaïa sera meurtrie si tu fais ceci ou cela, si tu jettes ceci, si tu manges trop de viande, si tu prends l’avion, si tu n’utilises pas un éco-cup, si tu ne tries pas correctement, etc. Pour aller plus loin, se reporter au livre de Benoît qui évoque le sujet mieux que moi.
*** Fin de Stop-isme (2/4) ***